La banque d'ancêtres offre une réflexion sur la métamorphose mémorielle.
Elle crée un dialogue entre des photographies familiales achetées sur une brocante, témoins silencieux d'existences oubliées, et des portraits générés par intelligence artificielle.
Au creux des étals des brocantes, une découverte singulière interpelle : des photographies issues d'archives familiales, reliques d'un passé révolu, réduites à de simples marchandises anonymes. Acheter les souvenirs d'autrui est un acte paradoxalement similaire au commerce que font les plateformes numériques de nos souvenirs.
Les visages immortalisés, dès lors qu'ils n'évoquent plus rien à personne, deviennent des accidents mémoriels produit par la photographie. Identiques à des avatars, ils sont les derniers représentants d'une masse indistincte d'individus oubliés.
Souvenirs déchus, ces photographies ont perdu le seul fragile garant contre leur mise en vente : la valeur affective.
Ont-elles perdu pour autant leur essence ?
Ces photographies authentiques sont présentées aux côtés d'images synthétiques, en apparence semblables, elles sont le fruit d'une intelligence artificielle générative. L'IA produit ici l'accident inverse à la photographie : elle crée aléatoirement les visages de vies fictives. Ces images fictives, produits de l'algorithme, questionnent la dichotomie entre authenticité et fabrication, entre souvenir et oubli.
Cette oeuvre propose une mise en abime du phénomène de création avec l'intelligence artificielle générative : elle s'approprie des photographies personnelles pour créer, à la manière dont les grandes modèles de langage s'approprie les photos de millions d'individus pour être à leur tour capables de générer des images.
Face à face, les souvenirs déchus et inventés questionnent mutuellement leur essence. Toutes deux ont une valeur pécuniaire dans la mesure où les premières on été achetées et les secondes payées pour être générées. La matérialité initiale des premières semblait leur assurer une plus grande longévité, bien que leur existence devienne aussi précaire que les secondes dès lors que personne ne s'en souvient.
Ces archives personnelles, devenues des artefacts de la condition humaine, peuvent être aisément substituées par des images générées par IA, remettant en question les fondements de notre rapport à la mémoire et à l'identité.
The Ancestor Database offers a reflection on memory metamorphosis.
It creates a dialogue between family photographs purchased at a flea market, silent witnesses of forgotten existences, and portraits generated by artificial intelligence. In the nooks of flea markets, a singular discovery catches the eye: photographs from family archives, relics of a bygone era, reduced to mere anonymous commodities.
Buying someone else's memories is an act paradoxically similar to the trade that digital platforms make of our memories. The immortalized faces, once they no longer evoke anything for anyone, become memorial accidents produced by photography. Identical to avatars, they are the last representatives of an indistinct mass of forgotten individuals. Fallen memories, these photographs have lost the only fragile guarantee against their sale: affective value. Have they lost their essence as a result?
These authentic photographs are presented alongside synthetic images, seemingly similar, they are the fruit of generative artificial intelligence. AI here produces the reverse accident to photography: it randomly creates the faces of fictional lives. These fictitious images, products of the algorithm, question the dichotomy between authenticity and fabrication, between memory and oblivion. This work proposes a mise en abyme of the phenomenon of creation with generative artificial intelligence: it appropriates personal photographs to create, in the manner that large language models appropriate the photos of millions of individuals to in turn be capable of generating images.
Face to face, fallen and invented memories mutually question their essence. Both have a monetary value insofar as the former were purchased and the latter paid to be generated. The initial materiality of the first seemed to ensure them a greater longevity, although their existence becomes as precarious as the second as soon as no one remembers them. These personal archives, become artifacts of the human condition, can be easily substituted by AI-generated images, questioning the foundations of our relationship to memory and identity.
Conference : This work was presented during the conference ‘Photography & Artificial Intelligence: what prospects for creative photography?’ at the Albert-Kahn Museum in December 2023.
Exhibition : CVPR AI art online gallery, June 2024
Related publication : Voir l’image autrement à l’ère de l’intelligence artificielle, L’Orient-Le Jour, mai 2024